Le Brexit a-t-il provoqué le léger frémissement de fin d’année ?
À la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020, une période de transition est entrée en vigueur et s’est achevée le 31 décembre 2020.
Depuis la fin de cette période, les accords internationaux conclus par l’UE ne s’appliquent plus au Royaume-Uni. Les dispositions des accords de libre-échange restent inchangées pour l’UE (concernant, par exemple, l’accès au marché ou les contingents tarifaires) et les opérateurs de l’UE doivent vérifier les règles d’origine, puisque les ingrédients britanniques ne peuvent plus être considérés comme originaires de l’UE pour les exportations relevant de ces accords.
Le Royaume-Uni et l’UE ont des liens commerciaux étroits dans le domaine agroalimentaire. Selon les chiffres publiés par la Commission Européenne, les pays de l’UE exportent d’importants volumes de produits agroalimentaires vers le Royaume-Uni, notamment des fruits et légumes frais et transformés, des produits à base de viande et des préparations alimentaires. En 2019, la valeur de ces exportations s’élevait à 41 milliards d’euros (voir aussi les informations complémentaires en fin d’article).
Selon les statistiques d’échanges collectées par Trade Data Monitor LLC, la valeur des importations britanniques de dérivés de tomate s’est élevée en 2020 à près de 545 millions GBP (613 millions EUR, 700 millions USD), ce qui fait du Royaume-Uni l’un des deux premiers marchés mondiaux. Sur les dix dernières années, les pays de l’UE exportateurs de dérivés de tomate ont drainé près de 94% de la dépense britannique, qui représente donc pour les pays transformateurs comme l’Italie, le Portugal, l’Espagne, mais aussi les Pays-Bas ou même l’Allemagne, un enjeu commercial et industriel de première importance.
L’entrée en vigueur des nouvelles règles d’échanges aurait pu se traduire, entre autres effets, par un changement du rythme des importations britanniques de dérivés de tomate, notamment en provenance de l’UE, qui aurait pris la forme d’une accélération sur les derniers mois de l’année pour anticiper d’éventuels ralentissements, difficultés ou surcoûts liés aux opérations en douane, aux nouvelles dispositions documentaires, aux exigences sanitaires, etc.
En fait, l’effet « Brexit », s’il y en a eu un, s’est traduit par un léger frémissement des quantités, limité aux derniers mois de l’année – voire à décembre seulement - et n’a probablement concerné qu’un seul segment. Ainsi, à l’échelle annuelle, les quantités de dérivés de tomate importées par le Royaume-Uni ne s’avèrent pas exceptionnellement élevées par rapport à celles enregistrées en 2019 ou sur la période 2017-2019.
Qu’il s’agisse de conserves ou de sauces, les progressions relevées entre les deux dernières années sont pratiquement nulles (entre 0% et 1% pour des volumes respectivement proches de 390 000 mT et 181 000 mT de produits finis) ; sur le secteur des sauces, le rapprochement des activités de 2020 et des trois années précédentes ne fait pas apparaitre pas non plus de variations significatives (moins de 2%).
Pour le secteur des conserves, l’apparente accélération des achats enregistrée en 2019 et 2020 semble s’inscrire dans la solide dynamique de progression (CAGR proche de 4%) observable depuis près de dix ans et s’appuie principalement sur le contraste brutal créé par la baisse - aussi importante que passagère - des importations britanniques de conserves en 2018. Si elle existe, la part de la hausse des importations de conserves liée au Brexit reste pour l’instant assez discrète.
L’examen des données mensuelles, tant sur la comparaison de 2020 à 2019 que sur le rapprochement de 2020 et des trois années précédentes, ne fait pas apparaître non plus de hausse particulière des flux d’importations de conserves ou de sauces.
Dans le cas des concentrés, les importations annuelles ont suivi une évolution similaire à celle des conserves, avec un contraste marqué entre la baisse sensible enregistrée en 2018 et les hausses tout aussi marquées qui ont suivi en 2019 et 2020, sans qu’il soit objectivement possible d’attribuer ces récentes variations à un effet Brexit. Les quantités importées l’an dernier se situent très légèrement au-dessus de la ligne de la progression moyenne enregistrée depuis 2012. Tout au plus existe-t-il une légère divergence avec les dynamiques mensuelles précédentes : les quantités de concentrés livrées au Royaume-Uni en décembre ont rompu avec la tendance régulière au déclin observée sur ce mois particulier depuis une dizaine d’années, avec une hausse de plus de 50% par rapport aux quantités « habituellement » livrées sur les mois de décembre 2017, 2018 et 2019 (voir les informations complémentaires).
Parallèlement à l’accroissement des quantités importées, la dépense en Livres a, pour sa part, progressivement et considérablement augmenté depuis 2014, passant ainsi de quelque 413 millions GBP (513 millions d’Euros ou 679 millions USD) à près de 545 millions GBP (613 millions d’Euros ou 699 millions USD) en 2020. A l’image des sources d’approvisionnements des marchés allemands ou français, les dérivés de tomate d’origine communautaire représentent la quasi-totalité des produits entrant sur le territoire britannique, de sorte qu’au total 97% de la dépense britannique des trois dernières années sont échus à des entreprises italiennes (47%), néerlandaises (16%), portugaises (10%), espagnoles (8%), allemandes (6%), grecques (3%), françaises (2%), etc.
En conclusion, il est difficile de distinguer, dans la timide élévation des volumes importés en 2020 de purées concentrées et de conserves, la part éventuellement liée à un « effet Brexit » de celle s’inscrivant dans une développement des approvisionnements déjà bien installé depuis 2012 ; s’il s’agit effectivement de l’amorce d’une dynamique nouvelle, il faudra en obtenir confirmation dans les mois à venir ; à défaut, il faudra acter la continuité des échanges commerciaux entre les pays de l’UE-27 et le Royaume-Uni ou veiller l’intervention de nouveaux acteurs susceptibles de modifier la géométrie des approvisionnements britanniques du secteur.
Quelques données complémentaires
Information générales :
https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/eu-agriculture-and-brexit_en
La Commission européenne tient à jour une page web contenant des informations actualisées sur la préparation à la fin de la période de transition.
https://ec.europa.eu/info/relations-united-kingdom/overview/consequences-public-administrations-businesses-and-citizens-eu_en
Evolution des importations mensuelles de dérivés de tomate
Importations britanniques de concentrés aux mois de décembre depuis 2011
Distribution de la dépense britannique en importations alimentaires par pays en 2019
Part (en valeur) des importations alimentaires britanniques en provenance de pays de l’UE-27, par secteurs (F&L transformés, produits carnés, produits laitiers, vins et spiritueux, etc.)