Selon les propos même de la presse marocaine, « l’industrie du concentré de tomate est en totale perte de vitesse ». Le constat est d’autant plus douloureux qu’il intervient à un moment où le gouvernement marocain inaugure sa politique de promotion des industries locales en substitution aux importations. Ce pays, qui affiche désormais une balance chroniquement déficitaire sur le secteur des concentrés de tomate, figurait encore il y a deux décennies aux rangs des pays exportateurs, et reste aujourd’hui parmi les pays traditionnellement consommateurs de dérivés de tomate.
Double ou triple, le concentré de tomate est en effet utilisé par l’industrie de la conserve du poisson, en restauration collective et dans les foyers pour la préparation des divers plats à base de pâtes ou du riz. Il faut ainsi mentionner l’incontournable «Harira», traditionnellement le plat de la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan au Maroc et dans l'ouest de l'Algérie, mais également consommé tout au long de l'année, particulièrement pendant l'hiver ; d'origine andalouse, cette soupe est constituée de tomates, de légumes, de viande et d'oignon. Cette consommation traditionnelle a longtemps constitué un « pilier » de l’activité de transformation en même temps qu’un moteur de la compétition entre les quelque cinq ou six entreprises marquantes de la filière nationale : pas moins de 60% de la production marocaine totale étaient consommés durant le mois du jeûne, soit 12.000 à 15.000 tonnes de concentrés, le reste s’orientant vers l’industrie de la conserve de poisson et vers les marchés étrangers, notamment européens.
Preuve de la qualité des productions marocaines, l’entreprise Lukus, partenaire du groupe Agraz et installée dans la région de Larache, s’était même spécialisée dans la production de poudre déshydratée de tomate, dont la totalité était exportée sur les marchés américains et japonais, à partir de tomate d’industrie cultivée sur ses propres terres ou livrée dans le cadre de contrats de culture conclus avec des agriculteurs de la région.
Les exportations vers l’Union Européenne concernaient, outre le concentré, les jus de tomate et les conserves de tomate pelées ; de nouvelles spécialités (ketchup, sauces ou jus) ont été développées par les industries marocaines, mais elles sont désormais fabriquées pour l’essentiel à partir de matières premières d’importation.
L’importation régulière de concentrés de tomate est devenue la norme depuis une dizaine d’années. Selon les estimations des conserveurs de poissons, les volumes varient entre 10.000 et 15.000 tonnes par an, et sont destinées aux conserveries de poisson aussi bien qu’aux producteurs de sauces ou de ketchup. L’essentiel provient de cinq pays: l’Egypte, l’Espagne, et dans une moindre mesure, la Chine, le Portugal et l’Italie.
Pour le moment aucune indication précise n’est disponible sur le niveau d’activité de la filière locale. Les chiffres fournis à titre conservatoire par le WPTC évoquent une transformation d’environ 130 000 mT par an, dans un nombre désormais réduit d’usines (quatre en 2020 contre une douzaine il y a vingt ans, selon la FICOPAM (Fédération des industries de la conserve de produits agricoles du Maroc)).
Dans le passé, la majorité des usines s’approvisionnait auprès des stations de conditionnement ou sur les marchés de gros, avec des variétés de tomates non spécifiquement destinées à la transformation. Ce type d’approvisionnement n’a plus cours aujourd’hui, en raison simplement de l’inaptitude des variétés produites sous serres au transport et à la transformation industrielle (variétés dites « long life » adaptées à l’exportation en frais, dont les principales qualités sont la forme et la coloration). De fait, les quelques usines encore en activité assurent leur approvisionnement, comme cela se fait dans de nombreux pays transformateurs dans le monde, en s’engageant par le biais de contrats de cultures conclus annuellement avec des agriculteurs. Certaines unités ont même fait le choix d’une intégration verticale en produisant leur propre matière première sur des terres acquises dans le cadre du partenariat public-privé autour des terres de l’Etat.
Les importations marocaines annuelles de concentrés se sont élevées en moyenne à 9 100 mT sur les onze dernières années (source Trade Data Monitor LLC)
Au total, la production de la tomate industrielle est estimée aujourd’hui à 100.000 tonnes pour une superficie mobilisée de 5.000 ha, alors que le plan Maroc Vert tablait sur une production de tomate d’industrie de l’ordre de 700.000 tonnes par an, soit l’équivalent de 100.000 tonnes de concentré
Source: leconomiste.com