L’effet accélérateur de la CoVid sur la demande
Pour reprendre l’expression même utilisée par le président du Bureau de Tomato News, Martin Stilwell, dans son éditorial d’ouverture de notre Yearbook 2020, la filière industrielle de la tomate a « clairement fait face à une recrudescence des importations » durant la crise pandémique qui frappe le monde depuis le printemps dernier. Pour être plus précis, c’est durant les mois de mars et surtout d’avril 2020 que les pays transformateurs ont eu à faire face à une élévation spectaculaire des demandes de livraisons.
Au cours de ces deux mois très particuliers, les importations de concentrés des vingt pays les plus dépendants – autrement dit ceux dont la consommation domestique dépend uniquement des approvisionnements extérieurs, à l’exclusion donc des pays également transformateurs comme l’Espagne, les USA ou le Brésil, ont été supérieures de 22% (+ 57 000 mT de produits finis) à celles de la période mars-avril 2019, et supérieures de 26% (+66 000 mT) à la moyenne de celles des périodes mars-avril des trois années précédentes (2017, 2018 et 2019). Pour citer quelques chiffres, le total des quantités livrées en Allemagne, au Royaume-Uni, au Japon, aux Pays-Bas, etc. en mars-avril 2020 s’est élevé à plus de 317 000 mT de produits finis, alors qu’elles ne représentaient « que » 260 000 mT en 2019 et 250 000 mT sur la période 2017-2019.
Les 20 principaux pays importateurs, cités par ordre d’importance sur la période considérée : Allemagne, Royaume-Uni, Japon, Pays-Bas, Russie, France, Pologne, Arabie Saoudite, Mexique, Belgique, Canada, Suède, Corée du Sud, Autriche, Philippines, Suisse, Roumanie, Kazakhstan, Thaïlande et Norvège
Les accélérations les plus marquantes ont été le fait de l’Autriche, de la Thaïlande, de la Roumanie et de la Norvège, notamment en raison des quantités relativement modestes (entre 6 000 et 15 000 tonnes annuelles) importées par ces pays sur la période de référence 2017-2019 ; pour les pays dont les approvisionnements mobilisent des quantités habituellement plus conséquentes, les augmentations ont été plus mesurées mais ont néanmoins atteint des niveaux remarquables : 12% en Allemagne (+16 100 mT), 22% aux Pays-Bas (+14 700 mT), 17% au Royaume-Uni (+13 700 mT), 10% au Japon, 16% en Arabie Saoudite, etc.
Au cours des six premiers mois de l’année, le déficit de la balance commerciale « concentrés de tomate » des principaux pays importateurs s’est brutalement accentué.
L’élévation soudaine du rythme des appels de produits a accru la pression qui s’exerçait déjà sur les quantités disponibles dans les pays transformateurs, mais ceux-ci n’ont pas tous tiré le même parti de cet épisode imprévu ; dans le prolongement de ce qu’avait été l’exercice jusque-là, les brusques modifications des rythmes d’approvisionnement (comparés aux niveaux moyens des trois exercices précédents) ont essentiellement profité à l’Espagne (+52 000 mT, +27%) et à l’Italie (+51 500 mT, +14%), au Portugal (+13 700 mT, +10%) , au Chili (+32 200 mT, +55%) et à la Turquie (+10 300 mT, +17%), ces deux derniers pays ayant plus particulièrement accru leurs livraisons à l’étranger sur la période mars-avril.
Sur la même base (comparaison des activités mensuelles de 2020 avec celles des trois exercices précédents) en revanche, le sursaut enregistré au printemps n’a réellement profité ni aux Etats-Unis ni à la Chine : dans les deux cas, en dépit d’un léger regain en mars-avril, les performances du premier semestre sont sensiblement inférieures à celles de la période 2017-2019. Les expéditions hors frontières de produits US ont fléchi de plus de 11 000 mT, celles de la Chine ont reculé de plus de 16 000 mT.
Cette brusque accélération de la demande a eu et aura, à n’en pas douter, des effets sur les quantités disponibles en stocks ; la situation de tension déjà commentée en mai 2019 lors de la Conférence Tomato News d’Avignon s’est trouvée plus que confirmée avant même le début de la campagne en cours (2020), alors que les mesures de « rationnement » fleurissaient un peu partout dans le monde sur les devantures des supermarchés au printemps dernier. Pour sa part, le résultat de la campagne qui s’achève ne devrait pas apporter de grands changements dans la dynamique qui prévaut depuis dix-huit mois, où les quantités transformées correspondent approximativement aux estimations de consommation annuelles.
Au-delà des variables habituelles concernant l’exercice commercial en cours, les grandes inconnues pour notre filière à ce jour restent liées à la pandémie, à sa durée et à son intensité et, de là, à ses possibles effets sur la demande globale et sur ses déclinaisons sociales, économiques, industrielles et agricoles locales. Pour la première fois depuis très longtemps, les partenaires agricoles et industriels des diverses filières à l’échelle de la planète n’ont que peu de visibilité et vont avoir beaucoup de difficultés à se projeter sur la prochaine campagne.
Quelques données complémentaires
Comparaisons des importations mensuelles totales des pays du TOP20 entre 2014 et 2020.
Source: Trade Data Monitor LLC
Voir aussi notre dernière situation mensuelle des échanges mondiaux